Début du BPF en Lot-et-Garonne, par J-L Villeneuve

Ce fut la première d’une longue aventure, d’un projet peu ordinaire dont on ne sait en posant la première pierre si on édifiera un complet édifice. La barre est haute, car forcément à franchir sur plusieurs années. L’émotion du premier coup de pédale du côté d’Agen fut donc au rendez-vous, début d’une longue, passionnante et enrichissante épopée…

Étape 1 – Granfonds – Villeréal 116 kms

Me voici donc au départ de la grande aventure : explorer les départements français en reliant dans chacun d’eux les six sites sélectionnés pour obtenir le BREVET DES PROVINCES FRANCAISES. Je me dois de remercier immensément la F.F.C.T. d’avoir créé un si formidable challenge. Je harnache ma monture de deux sacoches latérales bien lestées, sous un ciel tourmenté, mais envahi par une douce sensation de débuter ce parcours initiatique. Je quitte Granfonds, fief de basket, et bien vite heureusement, je découvre ma première « route régal » qui serpente dans la verte vallée de la Seoune affluent de la Garonne. Je contourne le tertre du fier village de Puymirol. Je redescends dans un océan de tournesols qui font grise mine, compagnons qui me seront fidèles tout au long de mon épopée. Dans cette vallée ils alternent avec la culture du tabac. Je traverse Tayrac poursuivi par les aboiements d’un chien colérique.

Saint-Maurin, la halle (c) JL Rougier Saint-Maurin, la halle (c) JL Rougier

Je quitte la route de Moissac et file vers Saint-Maurin où je dois apposer le premier tampon sur ma carte officielle. Au premier coup d’oeil, cette petite bourgade semble sans intérêt : elle mérite cependant le détour, en particulier pour découvrir une charmante place cernée de maisons à colombages occupée par une halle ancienne qui abrite un lavoir, et un puits à réa subtilement fleuri. Elle arbore aussi les restes d’une abbaye bénédictine fondée au XI è siècle sur le tombeau de l’évangélisateur St-Maurin, ainsi qu’un musée qui met en valeur les métiers d’antan. Je complète ma visite en arpentant des ruelles parfois abruptes à la recherche de mon sésame (une recherche qui s’avéra parfois peu évidente et source d’aventure). Ce sera une épicerie qui aura l’honneur d’inaugurer un témoignage initial : Mme Simoncello P. tamponna donc (533 autres pointages suivront !) et me livra un croissant croustillant qui apaisa un appétit naissant. La route serpenta ensuite jusqu’aux abords de Bourg-de-Visa. J’atteignis ainsi un plateau panoramique à 230 m d’altitude (point haut de mon parcours dans ce département).

Je traversai une forêt de pruniers dont les fruits sont collectés par une coopérative pour être en partie transformés en délicieux pruneaux. Suivit Beauville ancienne bastide perchée sur un éperon rocheux qui justifie le détour ; son château est classé monument historique et sa place à arcades, ainsi que ses maisons à colombages ne manquent pas de charme. La descente voluptueuse qui me ramène dans la vallée n’en manque pas non plus ! Mais il faut vigoureusement remonter pour gravir le coteau d’en face où se trouve Laroque-Timbaut. Il est 12h 15 l’heure de me restaurer : ce qui s’avère possible dans le seul restaurant de ce sympathique village. Le repas copieux est bien cuisiné et peu onéreux : tout va pour le mieux à l’aube de cette longue aventure. Lorsque je redémarre, je reconnais les ébats d’écoliers dans une cour d’école…légère émotion pour le néo retraité ! Quelques perles de pluie viennent me rafraichir, vite évaporées. Je caracole sur une route toboggan truffée de petites grimpettes digestives. La plongée vers la vallée du Lot se précise à la sortie d’Hautefage. Je parviens au pied de la butte de Penne-d’Agenais et affronte une montée cette fois plutôt indigeste : j’ascensionne cependant jusqu’au sommet où trône N-D-de-Peyragude : je visite ce sanctuaire de style romano-byzantin dont l’élégante coupole et le choeur finement enluminé sont éclairés de 47 vitraux. La route d’accès délivre un admirable panorama sur la vallée du Lot qui scintille 150m plus bas. A l’entrée du quartier Notre-Dame un portique mentionne le passage des pèlerins de St-Jacques. Ce gros village a eu une histoire mouvementée où se sont distingués Richard-Coeur-de-Lion, Duguesclin et Montluc qui y fit massacrer les protestants. Mon second pointage est délivré dans un bar qui donne sur la grande place centrale : le café m’est servi dans une totale indifférence et s’est fait attendre ! (tous les héros ne sont pas reconnus !).

N-D. de Peyragude à Penne-d'Agenais N-D. de Peyragude à Penne-d’Agenais

C’est sans peine et voluptueusement que je redescends de ce « Penn » (crête dans la langue celte), pour traverser le Lot entre Port-de-Penne et St-Sylvestre. J’affronte la rampe suivante paisiblement récompensé par un paysage ravissant de collines chapeautées de forêts miniatures. A Castelnaud-de-Gratecambe (petit village perché) je dépasse les 200 m et suis encouragé par des pétanqueurs rubiconds. À Cancon je quitte la nationale sans regret, car la circulation y est forcément quelque peu dense. Je mets alors cap au nord dans un environnement moins riant quasi désertique peuplé de paisibles hameaux. Born, joli bourg fleuri, possède un château du XVe. Le coeur léger, la pédale agile, après une ultime rampe j’entre dans Villeréal, mon troisième lieu de contrôle. Je contourne la vaste halle d’époque et découvre rapidement un hôtel qui affiche le logo FFCT, l’hôtel de l’Europe ce qui me motive pour mettre un terme à cette première étape. Je me délecte d’un demi, seule vraie pression de ce jour. Au cours de la visite de cette bastide, j’officialise mon passage à la maison du tourisme : et de trois ! Cette bastide date de 1267 et a conservé une halle rénovée au XVI è avec étage en torchis, où se réunissaient les notables. Son église gothique est flanquée de tours de défense (elle était cernée de fossés) : elle a subi les affres des guerres de religion, servi aussi de refuge durant la fronde. C’est un bel édifice qui possède d’admirables vitraux.

Ce fut une première paisible, un démarrage en douceur sans surprise désagréable, avec ce délice sans cesse renouvelé de la découverte, le bonheur de cheminer, où je fus déjà conquis par l’attrait de l’inconnu et impatient du lendemain…qui fut moins paisible !

Étape 2 – Villeréal – Tombeboeuf 93 kms

La pluie a tambouriné durant la nuit, mais a eu la bonne idée de cesser au petit matin. Le petit déjeuner servi au bar de l’hôtel est convivial, avec considérations météo (peu engageantes) et débats sportifs. Au revoir Villeréal, c’est l’heure privilégiée où l’on se délecte de la caresse du matin qui éclos, où la pédalée est alerte, ou l’on est bercé comme par un enchantement. Je caracole sur les plissements d’un plateau peu cultivé, égayé par quelques villas fleuries et fermes modestes affublées de pigeonniers. Au lieu-dit «La Castagnal» le jardin d’une ferme est agrémenté d’un décor féérique. La pente se cabre pour accéder à Castillonès gros village qui s’étale sur un tertre dominant la vallée du Dropt.
Je «jardine» quelque peu dans ce bourg, avant de dévaler prestement vers la vallée. Les petites montées suivies de courtes descentes se multiplient sous un ciel tourmenté qui pleurniche timidement. Je stoppe devant une petite bâtisse dont la façade est envahie de plantes fleuries et gare ma monture près de cette végétation luxuriante.
Je redescends ensuite vers le Dropt sous une pluie fine qui s’estompe. Je contourne Lauzun, village pittoresque qui mérite sans doute une visite (château issu du XIIIe, église à portail roman, maison à cariatides) : je me contenterai d’un souvenir photo.

Les cariatides de Lauzun (c) JL Rougier Les cariatides de Lauzun (c) JL Rougier

Une grimpette sérieuse me hisse à Bourgougnanne (nom provenant du passage des Burgondes). Un château abrite la première maison familiale européenne. La longue descente qui suit me mène dans la vallée de la Dourdenne et dans la petite ville coquette et animée de Miramont-de-Guyenne qui est également une ancienne bastide célèbre pour son industrie des chaussures. En retrouvant la vallée du Dropt, j’apprécie une portion dénuée de monticules : rare sur ce parcours !

La découverte d’Allemans-du-Dropt est une belle surprise : ce village dont le patronyme évoque l’invasion des Alamans mérite une visite : son église en particulier qui est célèbre pour ses fresques du XVè, mais aussi une halle à 14 piliers en pierre de taille, sa tour féodale, son ancien moulin sur le Dropt. Je vagabonde, enchanté par cette trouvaille prélude à une multitude d’autres dans le futur. Le vent s’invite freinant mon allure déjà peu efficace. Au loin Duras sur sa colline me promet un sérieux coup de rein ! J’affronte l’obstacle courageusement en vue de son célèbre château.

C’est dans l’enceinte de la forteresse que j’obtiens mon quatrième sésame (je réserve la visite pour plus tard) : château qui naquit au XII è siècle qui a subi évidemment maintes avanies et reconstructions qui en font un édifice qui a fière allure. Je passe sous la tour de l’horloge, ancienne porte de la ville, redescend sur la rive du Dropt, et me coltine une rampe rectiligne tendue vers ce clocher de Lévignacq-de-Guyenne qui « accroche les nuages ». J’emprunte ensuite la D 228, route délicieuse qui justifie à elle seule mon escapade ; elle caracole sur une ligne de crêtes toute proche du superbe village de Monteton. Je profite de l’accueil chaleureux du sous bois d’une chênaie pour me délasser, quêtant même la présence de champignons sans succès. De retour sur ma monture j’ai encore droit à la magnificence du panorama. Je plonge vers Seyches et son porche envahi de verdure : cette ancienne porte du village est attenante à une église classée (peintures murales en particulier).

La halle d'Allemans-du-Dropt (c) JL Rougier La halle d’Allemans-du-Dropt (c) JL Rougier

À St-Barthélémy, j’espère étancher une soif pressante songeant avec délectation au demi pétillant espérance déçue faute de bars avenants. Les grimpettes se succèdent à l’assaut d’une colline nappée d’immenses vergers et surplombée par le site de Tourtres, son moulin à vent et son église avec clocher mur gothique. Bien que je sois en manque de sucre (et de boisson), je ne daigne pas ramasser une de ces pommes qui jonchent le sol…D’ailleurs, voici Tombeboeuf et un bar restaurant que je connais bien. Cette fois j’ai enfin droit à ce demi longtemps désiré. Une chambre étant disponible, je décide de stopper en ce lieu sympathique où sont évoqués certains souvenirs. Je bénéficie d’un excellent repas dans une salle dont la baie vitrée dévoile un vaste panorama. Cette soirée et cette nuit dans le confort s’avéreront peu onéreuses : adresse à retenir !

Étape 3 – Tombeboeuf – Grandfonds 115 kms

Le charme de ce voyage initiatique c’est un peu de s’adapter aux caprices du terrain (parfois épineux) et de la météo. Ce matin je subis l’adversité en démarrant sous un épais brouillard. La route étant granuleuse je pense à ma crevaison de la veille : je suis donc très attentif à ma trajectoire. La petite route prend de la hauteur tout en serpentant parmi des pruniers. C’est dans cette région que l’on fabrique les délicieux pruneaux d’Agen. Je regrette de ne pouvoir profiter du panorama, en particulier du site de Monclar-d’Agenais, beau village perché sur sa colline. Je dois ici récolter mon cinquième coup de tampon : l’opération a lieu dans une pâtisserie avec achat d’un pain aux raisins pour coupe-faim. Cette bastide domine la vallée du Lot et possède une église dont le porche gothique est classé, ainsi que des maisons à antiques
encorbellements. C’est encore dans une ambiance nébuleuse que je dégringole de la colline.

Je franchis le Lot à Castelmoron, petite ville guillerette. Sa mairie occupe une partie du « castel ». J’apprécie une portion de plaine, mais le paysage qui me fait face est fortement plissé. Effectivement, je reprends de l’altitude gentiment en forêt, puis dans les prés pour atteindre Montpezat. Je passe devant une cour d’école animée : je stoppe sur un banc, déguste mon pain aux raisins, bercé par les rires et les chamailleries enfantines … souvenirs. La brume se dissipe enfin ; je quitte en roue libre ce tertre et sa cour animée.

Castelmoron Castelmoron

C’est pour mieux remonter un véritable petit col qui me ramène à la côte 200 (proche du sommet de ce département) sur une crête débonnaire et spectaculaire. Je sillonne les ruelles de Preyssas village typé et fleuri et visite son église. Un nouveau répit en pente favorable sur
route sinueuse précède une nouvelle longue remontée vers Fregimont assiégé de pommiers. La mairie occupe un ancien château néo-classique. L’église est surmontée d’un curieux clocher mur avec toit de tuiles. Le village suivant restera une belle découverte. Bazens mérite un petit détour et justifie pleinement mon errance vélocipédique : ruelles bordées de maisons anciennes finement fleuries, placette charmante près de l’église accolée à une tour féodale : y pénétrer est émouvant tant elle respire la simplicité, la paix, et inspire le recueillement. L’aile d’un ange m’y a caressé.
L’âme légère je dévale vers la vallée de la Garonne espérant trouver de quoi me sustenter à Port-Ste-Marie. Les restaurants sont soit clos, soit peu avenants ; je mets un terme à mes tergiversations, ayant quelques difficultés à trouver le sésame pour franchir le fleuve (sortie
un peu tarabiscotée). La ligne droite semble infinie jusqu’à Feugarolles petit village sans commerces apparents. Il me faudra patienter, affronter une grimpette proche de Vianne (bastide qui vaut aussi le détour), et enfin combler mon creux à l’estomac à Lavardac. En route vers mon sixième coup de tampon, au bout de la longue avenue qui mène à Nérac cité célèbre pour avoir accueilli Henri IV qui y vécut une de ses amourettes. Je pointe dans l’office de tourisme, passe sur la Baïse que borde le parc de la Garenne où le roi « conta fleurette ». Ce parc aménagé possède quelques vestiges de l’époque que l’on peut découvrir en promenant sur un sentier découverte. Nérac est riche en monuments, mais l’approche de l’arrivée et l’imminence d’une première réussie contrarient mes possibilités de visites. La longue rampe qui grimpe jusqu’à Salignac se déroule dans un cadre champêtre, peu pentue et agréable. Par contre suit une route en réfection, surprise quelque peu stressante. Je passe cet obstacle sans anicroche, mais non sans crainte. J’aperçois les villages perchés de Montagnac et de Moncaut et me laisse glisser vers Roquefort. Je commence à penser fortement à mes retrouvailles avec ma Super 5, espérant qu’elle n’aura pas disparu. Je longe le parc Wallibi, sans m’y divertir, reconnaît le carrefour de la demi-lune dévale vers le pont sur la Garonne, contourne Agen pour retrouver ma « rouge » sur le parking du supermarché.

Ce fut mon premier tour de département, et je me suis déjà régalé en découvrant quelques trésors cachés.

Jean-Louis VILLENEUVE – C Nerbis Chalosse – Lauréat N° 497

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