La Gazette du BPF
n° 12 – Avril 2014Le BPF ou le voyage au fond de soi-même
Je m’appelle Florence, j’ai presque 39 ans. Pour la 1ere fois l’an passé, j’ai adhéré à un club cyclo, FFCT sur Laragne-Monteglin. Cela m’a fait connaître les randonnées cyclotouristes auxquelles j‘ai participé depuis l‘an passé, rencontrer d’autres cyclos de clubs de touts horizons et aussi découvrir le site FFCT sur internet.
C’est ainsi que je suis tombée un jour sur le Brevet des Provinces Françaises, et cela m’a tout de suite emballée, parce que j’aime les sites chargés d’histoire et les beautés de la nature. Oh, miracle, me suis-je dit, ce que je fais en temps normal peut être validé par un brevet ! Lors de week-ends et de congés annuels, j’ai pris l’habitude depuis quelques années, de partir à vélo pour me déconnecter du quotidien. D’abord avec un sac à dos sur mon vélo course. Puis j’ai fait l’achat d’un Gitane bas de gamme que j’ai équipé de sacoches pour des itinérances de quelques jours. J’ai commencé ainsi : étudiante dans la Drôme et ayant peu de moyens, je partais à la journée visiter les alentours comme Taulignan, Grignan, les cols alentours avec mon vélo Decathlon Triban Road 3. Puis 2 ans durant, lors de remplacements un peu partout en France puis en Suisse, j’ai sillonné les routes et curiosités de notre pays. Puis à Uzès où j‘ai vécu 2 ans et demi, je suis partie sur 2 jours aux Saintes-Maries-de-la-Mer, je dormais dans une auberge de jeunesse à Pioch Badet et rentrais le lendemain chez moi après visite touristique de la digue à la mer en vélo, Aigues Mortes, baignade, etc.
Je suis devenue plus audacieuse à partir de 2009, j’ai alors traversé le Jura suisse avec une incursion en territoire français avec le saut du Doubs et Villers-les-Lacs. Puis j’ai décidé de ne faire mes itinérances les années suivantes qu’à partir de mon domicile pour parcourir les départements voisins.
Alors en juin 2012, lors de ma semaine de congé estival, j’ai décidé de commencer ce brevet entamé sans le savoir, bien avant que j’en connaisse l’existence.
Je décide d’aller à la mer camper quelques jours. 1ère étape : camping à Lurs, je refais à vélo ce pays de Forcalquier et le plateau d’Albion que j’aime tant. Je rencontre dans les rues de Forcalquier, un couple du Doubs avec qui nous sympathisons. Cela finit comme souvent lors de mes équipées, par un échange de mail, une photo devant la fontaine, un petit café. Cela intrigue souvent les personnes une jeune femme en itinérance ou en vélo solo, comme souvent je le suis. Puis direction la Camargue où je campe 2 jours pour visiter de bon matin Aigues- Mortes avant l’arrivée des flots de touristes estivaux, et bien sûr Saintes-Maries-de-la-Mer, où je me baigne. Puis sur des week-ends l’été, je fais de courtes itinérances depuis chez moi, de Laragne à Malaucène en passant par Brantes, Montbrun-les-Bains, les gorges de l‘Ouvèze. J’emmène d’autres cyclos dans mon aventure ce 1er juillet.
On dort dans un gîte d’étape, mais le lendemain, peu sont motivés pour faire le Ventoux. On passe donc par le bas Ventoux tout aussi superbe, Flassan, Sault…Je me refais cette région par d’autre chemins le 9 septembre car que de variantes possibles autour de ce géant de Provence que je n‘ai pas encore gravi durant l‘été ! Là aussi, je dors en gîte d’étape et gravis le lendemain le Ventoux par Malaucène, choix de mon vélo course et d’un sac à dos avec un minimum d’affaires, plutôt que les sacoches. Pour 2 jours, c’est bien suffisant un rechange. Lors d’un autre week-end en août, malgré une météo s’annonçant aléatoire, je campe à Colmars, et gravis du coup le même jour le col d’Allos et le col des Champs que je préfère presque davantage. Attention toutefois, bien plus étroit et dangereux avec un revêtement déplorable. J’ai bien fait de le faire le même jour, le soir même j’essuie l’orage le plus terrible de ma vie, de 17h à 5h du matin, pluies diluviennes sans discontinuer, si bien que l’eau commence à pénétrer dans la tente. Le lendemain, je suis un glaçon qui dégèle doucement au lever du soleil. Le col des Champs est fermé suite à des coulées de boue et des affaissements de terrain. Je peux toutefois refaire la Colle Saint-Michel et Annot, qui avait été une des étapes de mon circuit de l’an passé jusqu’au gîte d’étape d’Entrevaux où j’avais dormi. J’avais songé à prendre le train des Pignes cette année-là, mais la ligne était en réfection ; et comble d’indignation, en 2013, mon projet de descendre à Nice avec le train des Pignes pour remonter en vélo jusqu’à chez moi n’est plus possible : cette société privée n’accepte plus les vélos !
Allez dernier récit d’une balade de 2 jours celle là aussi depuis Laragne-Montéglin, cette fois-ci via la sublime route dite de la Pierre Écrite depuis Sisteron, passant par Authon, le col de Fontbelle, Thoard, bref au pied des Monges. Je rejoins Digne, les magnifiques clues de Barles jusqu’à Auzet où je dors. Le lendemain au programme le col de Fanget (station de ski de fond aussi), Seyne-les-Alpes et retour par le col des Garcinets et les Tourniquets, impressionnante petite route de montagne où vous ne rencontrez pas plus d’une voiture toutes les 2 heures ! En octobre, c’est une dernière car dans les hautes Alpes du sud et les Alpes-de-Haute-Provence, il fait déjà bien frais le matin et le soir malgré la Provence assez proche.
Quant au reste de l’année ou de mes congés, ils tombent sous la pluie en 2012. Je tente de camper à Mouriès dans les Bouches-du-Rhône, je m’essuie un gros orage et me fais abriter par des Normands quelques heures durant dans leur caravane et monte ma tente à 23 heures. Je visite Martigues sous la pluie le lendemain depuis mon camp de base. Tant qu’à être mouillée, je pousse à vélo jusqu’à Carro où je me baigne : l’eau est merveilleusement bonne à l’arrière saison.
Quant au 1er semestre 2013, point besoin de dire que la saison vélo débute difficilement comme un peu partout en France cette année. J’ai fait 3 randonnées cyclotouristes que j’ai tenu à faire pour honorer les clubs, tous sous la pluie et le froid. J’ai fait notamment le brevet de 100 km de Gap avec la neige comme finish à Chateauvieux ! Ouf, une petite itinérance possible de 3 jours depuis Laragne même si les orages menacent : le 3 juin, je pars dormir au gîte refuge de Monieux via le col de Macuègne et le col de l’Homme Mort, puis Sault…Le lendemain je m’offre la forêt de Vénasque, l’abbaye de Sénanque, Gordes, Murs, Roussillon les Ocres, Saint-Saturnin-les-Apt, retour à Monieux. Puis le 3ème jour, je rentre car déjà le retour des pluies. Cette fois-ci, je gravis le col du Négron et de la Pigière. Car que de variantes possibles pour retourner dans les Hautes-Alpes, bien entendu qui se méritent par quelques cols à grimper toutefois. Malheureusement, je suis témoin d’un cyclo pourtant réglo renversé par une voiture, dans les gorges de la Méouge, classées site Natura 2000. Celles-ci sont de plus en plus fréquentées et demandent oh combien de prudence vu l‘étroitesse de la route..
Le BPF ? C’est passionnant.. Quand on est passionné soi-même de nature et d’histoire. Quand on veut profiter de notre patrimoine culturel et historique. Sans forcément vouloir le faire payer comme ils veulent le faire pour les piétons et les cyclistes au Pont du Gard. Ne pas oublier de signer la pétition contre.
Je suis originaire de la campagne profonde et fière de mes origines. Je renoue un peu avec mes origines via ces pérégrinations. Manière de me déconnecter de mes soucis quotidiens et de l’hyper connectivité du monde : TV, internet dont pourtant je raffole, portable qui le plus souvent est éteint en ce qui me concerne. Je me reconnecte par ces moyens simples de la vie à moi-même ; quelque part un sentiment de découverte ou de redécouverte de soi, en me désencombrant du reste. Besoin de cette aération psychique et physique, de me donner et de me surpasser, quand le reste du temps, je me « donne » à l’autre. Je travaille en psychiatrie, en pédopsychiatrie désormais. C’est une grande part de ma vie. Un moment donné, mon rêve était d’être archéologue, comprendre l‘homme, chercher. J’ai fait une maîtrise d’histoire, je ne suis pas sûre d’avoir davantage compris l’homme ni moi-même d’ailleurs ; alors je continue à me parcourir, parcourir le monde et les autres. Si je m’étais lancée dans la recherche comme je le souhaitais un moment donné, je n’aurai plus le plaisir de découvrir, de chercher dans mes temps de loisir. Aujourd’hui, je peux mettre cette énergie là à me ressourcer hors de mon temps de travail où je suis davantage une chercheuse de sens. Car comment exercer en psychiatrie sans chercher le sens de ce que l’on est, de ce que l’on fait, du pourquoi nous vivons, souffrons et mourons ?
J’ai fait tout un roman pour me présenter ; vous en ferez ce que vous en voudrez. C’est la liberté de nos choix, un peu comme en itinérance. Laisser une route, en prendre plutôt une autre. Renoncer à passer par un lieu qui semble pittoresque, peut être avec une possibilité autre un jour de repasser par là, ou peut être ne jamais pouvoir revenir. Un peu à l’image de la vie, des rencontres, des situations. Choix et renoncements qui traversent nos vies, et font de nous des être humains de chair et d’esprit.
En tout cas, merci de cette possibilité offerte de lieux à découvrir, et d’encourager des cyclos à le faire, car vraiment c’est un très belle aventure humaine
Florence BARNEIX – Club Cyclotouriste Laragne.