Le livre blanc – Les aménagements dangereux
Nos besoins et nos demandes
Les différents cheminements cyclables
1) Les pistes cyclables et les Voies vertes
Ces cheminements doivent répondre à un besoin de sécurité accru, pour une population de cyclistes quotidiens et utilitaires utilisant ces aménagements dans le cadre des trajets domicile/travail, scolaires et périscolaires et l’accomplissement des tâches de la vie courante. Cette même population utilise également ces mêmes aménagements dans le cadre du vélo promenade et familial. Ces cyclistes sont très souvent pour partie, des usagers cyclistes intermittents, et par conséquent inexpérimentés. Ils sont plus à l’aise en site propre qu’en site partagé, ou la pratique demande régulièrement de l’anticipation face aux aléas des parcours et du partage des voies de circulation.
On constate de ce fait un taux d’utilisation plus élevé encore sur les Voies vertes hors agglomérations, celles-ci se prêtant mieux à une pratique de promenade et de randonnée plus ludique.
Dans l’ensemble, les pistes cyclables répondent aux besoins des cyclistes cités, mais pêchent fortement sur certains aspects.
Ce sont parfois de véritables « points noirs », très souvent à l’origine de la non utilisation de ces aménagements cyclables, provoquant ainsi le report des cyclistes dans la circulation partagée :
- les manques de continuité,
- une prise en compte inadaptée de la pratique du vélo aux intersections et aux raccordements aux voies partagées (début et fin de piste),
- le traitement des zones à risque – ex : sorties de propriétés (trop de perte de priorité, manque de marquage au sol à la résine de couleur verte),
- la présence de plots courts et à mi-hauteur non pré-signalés au sol (nombreuses chutes),
- les barrières « sas » incompatibles avec les tandems ou les PMR (Personne à mobilité réduite),
- le partage anarchique et non séparé de l’espace avec les piétons,
- le manque de signalétique directionnelle spécifique pour les cyclistes,
- le manque d’entretien (balayage et réfection),
- les différences de niveau aux entrées et sorties de propriétés,
- le manque de décrottoir aux intersections avec les chemins de terre.
Nota : sauf pour des raisons sécuritaires avérées, et comme le permet le Code de la route (Art. R.431-9) les pistes cyclables ne doivent pas être rendues obligatoires, mais facultatives ceci afin de permettre aux cyclistes expérimentés de rester sur les chaussées à circulation partagée.
2) Les bandes cyclables / Les accotements revêtus
Lorsque la mixité (cyclistes dans la circulation partagée) ne répond pas aux besoins sécuritaires des cyclistes, la séparation des trafics sur une même chaussée par une bande cyclable de même qualité de revêtement que la chaussée principale, peut répondre à ces besoins.
C’est le cas notamment lorsque le taux de circulation automobile atteint ou dépasse 2000 véhicules/jours, en montée sur route étroite, en virage avec mauvaise visibilité, aux abords de points singuliers tels que les rétrécissements de chaussée avec terre plein central, où encore les tourne-à-gauche équipés du même type de terre-plein central.
La réalisation de bandes cyclables, souvent remplacées en rase campagne par les accotements revêtus (accessibles aux cyclistes R. 311-1 et R. 431- 9 du Code de la route ) est malheureusement loin d’être systématique. Ce manque de réalisation de moindre coût lorsqu’elle est réalisée d’un seul tenant soit en même temps que la chaussée, soit lors de la réfection de celle-ci, est à l’origine de nombreux accidents graves et mortels.
Dans le cas des rétrécissements de chaussée (mise à une voie de circulation où tourne-à-gauche) et afin d’éviter le phénomène de cisaillement lié aux trajectoires entre automobilistes et cyclistes, la bande cyclable doit alors être protégée par une bordure, un merlon ou un zébra peint. Elle se transforme alors en By-pass, (piste cyclable au même niveau que la chaussée ou légèrement surélevée).
Les accidents les plus graves entre les automobiles, les poids lourds et les cyclistes (seuls ou en groupe) sont ceux ayant été provoqués par un choc par l’arrière dans le même sens de circulation. Les origines étant pratiquement toujours les mêmes : la vitesse, la perception tardive des cyclistes, et donc le non respect du Code de la route (intervalle de 1 m ou 1,50 m entre le véhicule à moteur et le cycliste. R. 414-4).
3) Les routes « TRANQUILLES »
Ce réseau routier correspond en général à un trafic automobile d’environ 1 500 véhicules/jour et répond, sauf cas particuliers, aux besoins des usagers cyclistes, à savoir : une route « apaisée » ou la pratique partagée entre tous les usagers demande, peu ou pas d’aménagements cyclables ; si ce n’est une signalétique directionnelle spécifique. Ces routes tranquilles sont des parcours de substitution à certaines dessertes routières, où la densité automobile est un danger permanent pour les usagers vulnérables.
Que faire ? Des solutions existent.
Le potentiel comporte deux axes bien précis :
- la formation et l’information des usagers.
- la prise en compte systématique des usagers cyclistes dans les aménagements routiers avec l’adaptation du Code de la route à certaines spécificités des cyclistes.
1) La formation et l’information des usagers :
Lorsque l’on examine les supports de formation à la conduite automobile, qu’ils soient audiovisuels ou manuscrits, on est surpris de constater combien le domaine « Partage de la route » entre les usagers motorisés et les usagers vulnérables, que sont les cyclistes, est infime et superficiel. C’est en grande partie pour cette raison que la Fédération française de cyclotourisme a édité le dépliant « Automobilistes, merci de votre attention ! ». Édité depuis 2005, à raison de 2 millions d’exemplaires chaque année et ce pour une période de quatre ans, sa diffusion a permis de mener de nombreuses campagnes de sensibilisation auprès des automobilistes, chauffeurs de poids lourds et transports en commun. Le but : prévenir la plupart des risques d’accidents entre les usagers motorisés et les cyclistes, en expliquant les spécificités de la pratique du vélo.
Les premiers usagers concernés, sont les nouveaux détenteurs de permis de conduire, à qui le dépliant cité est remis par les préfectures et sous-préfectures.
Cette action, si elle a eu le soutien et la participation des ministères concernés, ne doit pas se suffire à elle-même. Depuis de nombreuses années, les chaînes de télévision nationales passent régulièrement des « spots » de prévention routière concernant l’ensemble des usagers motorisés, mais jamais (ou très rarement) nous ne voyons d’équivalent pour les usagers vulnérables cyclistes et piétons.
Nous demandons que la Sécurité routière et les autos-écoles, prennent en compte régulièrement cet aspect préventif, et ne laissent pas cette responsabilité aux fédérations nationales d’usagers qui, certes sont partie prenante, mais fort démunies au regard des possibilités du secteur public et privé, des médias et de l’audiovisuel.
2) La prise en compte systématique des usagers cyclistes dans les aménagements routiers
Au-delà de cette obligation très souvent ignorée, (voir paragraphe 1 du « Les aménagements dangereux pour les cyclistes »), la qualité des aménagements cyclables est également loin d’être ce que sont en droit d’attendre les cyclistes (voir page 17 la liste des « points noirs » cités dans les paragraphes 1 et 2 ).
La mixité des usagers routiers (cyclistes dans la circulation partagée) impose que cette pratique soit analysée au cas par cas. Il ne peut y avoir de règle générale en fonction de la densité du trafic automobile, du profil et des possibilités d’emprise de la chaussée.
Lorsque l’on sort du cas de la route dite tranquille, la pratique cycliste doit impérativement être prise en compte par la réalisation de bandes cyclables ou d’accotements revêtus, avec une largeur minimum de 1,25 m.
Pour les zones particulières ou zones à risques maximum, telles que virage, rétrécissement de chaussée, mise à une voie de circulation, route à forte pente (sens montant), les tourne-à-gauche (TAG), l’accotement revêtu doit se transformer en bande ou piste cyclable avec séparation par un merlon ou un zébra.
Il en est de même en ce qui concerne les giratoires de moyenne et de grande dimension (rayon moyen supérieur à 15 m), où la prise en compte des cyclistes est également primordiale, y compris en amont et en aval des branches d’entrée et de sortie.
De l’ensemble de ces points singuliers, quatre situations sont particulièrement accidentogènes :
- les tourne-à-gauche (TAG),
- les rétrécissements de chaussée avec mise à une voie de circulation pour chaque sens de circulation,
- les routes avec une voie de circulation dans chaque sens, comportant une bande blanche continue sur le côté gauche du sens de circulation,
- les raccordements des pistes cyclables bi-directionnelles avec la circulation partagée.
Points a et b :
Si ces deux aménagements routiers, ne répondent pas aux mêmes besoins de sécurité pour l’ensemble des usagers, création d’un « sas » d’attente pour le tourne-à-gauche et réduction de la vitesse pour les rétrécissements de chaussée ; ils provoquent cependant les mêmes effets négatifs pour les usagers cyclistes si leur pratique n’est pas prise en compte.
Ces deux photos montrent ce qu’il est possible de réaliser aujourd’hui, dans le respect du Code de la route et des différentes directives techniques mises à la disposition des aménageurs routiers ; ce qui n’est pas acceptable.
Dans certains cas de rétrécissements de chaussée (b) et de TAG (a) particulièrement accidentogènes, nous demandons que soit prise en considération la situation de « poussée du cycliste » par les autres véhicules. Pour cela, nous réitérons notre demande faite en 2004 en ce qui concerne la création d’un panneau d’interdiction de doubler un cycliste ; ainsi que l’application de la préconisation faite dans Les recommandations pour les itinéraires cyclables du Certu ( RIC ) paragraphe 9.2.8 page 54, en limitant les îlots à 70 m (déport + alignement droit). Par contre, il n’est pas forcément utile d’avoir systématiquement des terre-pleins centraux ainsi que des protections de By-Pass pour cyclistes en dur. (voir photos ci-dessous).
Point c :
Ces routes (tous réseaux confondus) pour une très grande majorité d’entre elles, ne comportent pas d’accotements revêtus utilisables par les cyclistes. Cette situation très accidentogène, est encore accentuée lorsque certaines voies de circulation sont équipées de ligne blanche continue interdisant aux véhicules de franchir celle-ci pour dépasser un autre usager, y compris les véhicules très lents. Dans ces zones à risque, le cycliste se trouve dans la même situation de « poussée » décrite dans le paragraphe précédent pour les TAG et les rétrécissements de chaussée.
Ce phénomène routier est le plus fréquent qui existe sur le réseau français. Il demande une analyse et une prise en compte adaptée en fonction du profil et de l’emprise des routes.
Où se trouve la vérité ?
La photo en bas de page précédente illustre une infraction caractérisée au Code de la route, mais le cycliste est en toute sécurité.
La photo de droite elle, pose la question : peut-on doubler un cycliste ? pour nous la réponse est simple : non ! Que dit le Code de la route ?…
Nous considérons, les actions potentielles au nombre de trois :
- la réalisation de bandes cyclables ou d’accotements revêtus,
- la mise en place de panneaux « Interdiction de doubler un cycliste »,
- la modification du Code de la route autorisant les automobilistes à chevaucher la ligne blanche continue, voire à utiliser tout ou partie de la voie de circulation opposée ; lorsqu’en l’absence de véhicule venant en sens inverse, l’opération ne présente aucun danger (inspiration du Code de la route Espagnol).
En dehors de ces « zones de conflits », et afin d’assurer une cohabitation durable, de nombreux départements ont mis en place sur leur réseau routier des points de rappel de l’article R. 414-4 I à IV : « Avant de dépasser, tout conducteur doit s’assurer qu’il peut le faire sans danger. Pour effectuer le dépassement, il doit se déporter suffisamment pour ne pas risquer de heurter l’usager qu’il veut dépasser. Il ne doit pas en tout cas s’en approcher latéralement à moins d’un mètre en agglomération et d’un mètre cinquante hors agglomération s’il s’agit d’un véhicule à traction animale, d’un engin à deux ou trois roues, d’un cavalier ou d’un animal« .
Ces initiatives qui rejoignent l’idée lancée il y a maintenant plusieurs années par la Fédération française de cyclotourisme, sont de plus en plus nombreuses et très appréciées par les cyclistes. Les usagers vulnérables ont leurs particularités et des besoins spécifiques, il est primordial de le rappeler dans certains points singuliers du réseau routier.
Point d :
Les traversées de route pour entrer ou sortir des pistes cyclables créent des situations accidentogènes lorsque les conditions de sécurité ne sont pas totalement remplies. C’est le cas des accès aux pistes cyclables sur les routes à forte et rapide circulation, et en sortie de giratoire. Les cyclistes ont des difficultés pour traverser la chaussée, y compris à pied, « le vélo à la main ».
Ces échanges seraient plus sécurisants, s’ils étaient systématiquement réalisés dans des espaces à circulation apaisée, à l’intérieur de petits giratoires ou le cycliste n’a aucunement besoin d’aménagement spécifique.
En résumé, 10 actions prioritaires :
- limitation des îlots en dur pour les TAG, favoriser les marquages « zébra », respect de la recommandation du Certu sur leur longueur. (maximum 70 m),
- réalisation systématique des By-Pass protégés pour les cyclistes,
- en agglomération généralisation des coussins « lyonnais »,
- création du panneau « Interdiction de doubler un cycliste »,
- officialisation du panneau « Je dépasse, 1,50 m »,
- modification du Code de la route en autorisant le franchissement d’une ligne blanche continue, pour doubler un véhicule lent et si les conditions le permettent,
- prise en compte des « points noirs » sur les pistes cyclables et les Voies vertes,
- hors agglomération coloration des accôtements revêtus utilisés par les cyclistes (ou des bandes cyclables),
- généralisation des « décrottoirs » et des mises à niveau aux entrées et sorties des pistes cyclables et Voies vertes,
- réalisation et diffusion de spots télévisés sur les pratiques cyclistes (dangers et particularités).
Témoignages
Le problème des rétrécissements de chaussées, ne comportant pas d’échappatoire (« By-Pass » ou trottoir assez large commun aux piétons et deux roues légers) pour les cyclistes, est le point noir le plus sensible pour ces usagers. Cet aspect dangerosité bien sûr n’échappe pas à de nombreux responsables et techniciens de la route, mais il reste trop souvent à l’état d’interrogation et sans solutions sur le terrain.
Certains pourtant sont allés plus loin et rejoignent les vues de la Fédération française de cyclotourisme dans ce domaine. Le département de la Drôme (membre de l’Association des départements et régions cyclables ) en la personne de Monsieur Janick Sylvestre a relancé auprès des services compétents la proposition de la Fédération française de cyclotourisme, quant au principe de création du panneau « Interdiction de doubler un cycliste » (voir en annexe le plan du prototype, et les courriers s’y rapportant).
Les arguments de Monsieur Sylvestre adressés au président fédéral Fédération française de cyclotourisme Dominique Lamouller, (courrier faisant suite au refus de la proposition Fédération française de cyclotourisme par Monsieur Rémy Heitz, délégué interministériel à la Sécurité routière) sont en total accord avec la vision qu’ont les cyclistes sur la stratégie de cette démarche de sécurité routière.
Le Conseil général du département de la Drôme a depuis plusieurs années une véritable politique sécuritaire très appréciée par les cyclistes en général et plus particulièrement hors agglomération et en inter-urbain (traitement des giratoires et réalisation d’accotements revêtus sur l’ensemble des axes routiers du département).