Le livre blanc – Les aménagements dangereux

Les aménagements dangereux pour les cyclistes. Qu’en est-il en France ?

1) Le législatif et les recommandations

Partout où sa pratique est autorisée par le Code de la route, (R. 412-7) le cycliste, usager de la route à part entière, doit être pris en considération en tant que tel pour tout nouveau projet routier ou modification de voirie existante. En ce qui concerne le domaine urbain, cette obligation, car cela en est une, est inscrite dans l’article L 228-2 du Code de l’environnement, qui prévoit : « qu’a l’occasion de réalisations ou de rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquage au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et des contraintes de la circulation…ces dispositions s’appliquent à toute voirie urbaine quel que soit le gestionnaire et dans toute commune quelle que soit, sa taille ».
Le réseau routier rural ou « de rase campagne » qui constitue proportionnellement une menace plus importante pour les cyclistes ne nécessite réglementairement ni aménagement cyclable ni signalisation particulière. Il est cependant soumis à l’application de la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982 (Loti) « le système de transport intérieur, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU 2002), et de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADT de juin 1999 ) ».

Pour ce faire, des documents et notices techniques existent et sont à la disposition de tout organisme public ou privé, en charge de l’élaboration de ces projets. Au-delà, des circulaires et guides techniques génériques concernant les aménagements des routes principales, tels que l’Aménagement des routes principales (ARP) ou l’Aménagement des carrefours interurbains (ACI), nous citerons plus précisément, en ce qui concerne les usagers cyclistes, les recommandations publiées par ou sous l’égide du Centre d’études sur les réseaux, transports, l’urbanisme et les constructions publiques ( CERTU ) :

  • Recommandations pour les aménagements cyclables (RAC),
  • Recommandations pour les itinéraires cyclables (RIC),
  • la signalisation des aménagements et des itinéraires cyclables.
    Il existe aussi des recommandations élaborées par des Fédérations nationales d’usagers, ainsi que d’organismes ou collectivités nationales, départementales ou locales.
  • Les contresens cyclables – Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).
  • La charte cyclable – Fédération française de cyclotourisme (FFVélo).
  • Les cahiers techniques « Aide à la conception des aménagements cyclables » – Association des Départements Cyclables (ADC, DRC).

2) Le Code de la route – extraits

Celui-ci classe les usagers en deux catégories, les véhicules et les piétons, et définit les règles de circulation entre eux. Le vélo est classé dans la catégorie « véhicules » (Art R.311-1).
L’article R.110-2 précise que les bandes et pistes cyclables sont exclusivement réservées aux cycles. Leur usage est facultatif pour les cyclistes sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police.
Hors agglomération, l’article R. 431-9 indique que les cyclistes peuvent circuler sur les accotements équipés d’un revêtement routier.
Les distances de dépassement sont précisées à l’article R.414-4, soit 1,50 m hors agglomération et 1 m en agglomération.

3) Le Code de la voirie routière

L’article L.113-1 (Chapitre III – Utilisation ) rappelle que le droit de placer à vue du public par tous les moyens appropriés des indications ou signaux concernant à un titre quelconque la circulation n’appartient qu’aux autorités chargées des services de la voirie.

4 ) Exemples et témoignages

Ces cinq dernières années, si des avancées notables en matière d’aménagements cyclables ont été réalisées en France, force est de constater que la qualité est loin de faire l’unanimité des pratiquants. Quant à la prise en compte systématique des cyclistes lors de l’élaboration de tout projet routier, elle est très fluctuante et repose dans de nombreux cas, sur l’absence d’une réelle culture « vélo » et sur une perception financière de techniciens et autres maîtres d’œuvre politiques, semblant être davantage préoccupés par le lobby des usagers motorisés. De nombreux points noirs existent en France. Ils mettent en cause le partage de la route et sont à l’origine de nombreux accidents avec morts et blessés graves.

Halte aux aménagements dangereux

Notre pays est le champion du monde des îlots et des rétrécissements. Ce témoignage fort bien documenté rappelle une fois de plus que ces aménagements sont souvent très dangereux pour les cyclistes alors qu’ils sont censés améliorer la sécurité routière de tous les usagers.

« Pensez à nos enfants, ralentissez ».
Tel est le message que l’on trouve à l’entrée de nombreux villages. Dans le cadre de notre passe-temps favori, nous parcourons les villages de France et les habitants sont très probablement plus heureux de voir des touristes circuler à vélo plutôt qu’en voiture. Cependant, depuis déjà plusieurs années, on voit de plus en plus d’aménagements destinés à canaliser les automobiles. C’est notamment le cas des terre-pleins centraux qui génèrent des risques importants pour les cyclistes. Pour convaincre ceux qui ne le seraient pas encore voici le récit d’une expérience qui s’est heureusement bien terminée.

– Un camion peut-il doubler un cycliste ?
Toute personne sensée répondrait évidemment « non ! » et pourtant c’est ce qui est arrivé le 5 juillet 2005.
Les faits
Un camion semi-remorque a doublé le moniteur situé 20 m à l’arrière d’un groupe de jeunes et s’est rabattu à la hauteur du terre-plein central coinçant ainsi un jeune cycliste de 15 ans entre le trottoir et le milieu de la remorque. Le jeune a freiné sans pour autant toucher la remorque avec son guidon ou le trottoir avec sa chaussure, et sans être déstabilisé par les turbulences ou par les buissons. Le camion a poursuivi sa manœuvre pour finir de doubler environ 40 m plus loin. Il a été arrêté à la hauteur de la gare de Bugeat par la gendarmerie présente à proximité.
Un examen des lieux du « quasi accident » a été fait. Il ressort que la route fait 3,20 m de large à cet endroit. Compte tenu de la largeur des camions (2,50 m) et de la chaussée, il reste 55 cm entre la remorque et le trottoir (à noter la présence de buissons débordant du trottoir d’environ 20 cm dont il n’est pas tenu compte). Le vélo est équipé d’un cintre de 45 cm et la largeur au niveau des pieds est de 34 cm, le « couloir » restant pour ne pas « toucher » est large de… 16 cm !
La sécurité et les bonnes pratiques
Quelques conclusions de ce qui ne restera heureusement qu’un incident :

  • Les organisateurs de la Semaine nationale et européenne des jeunes – la Fédération française de cyclotourisme et la Ligue Limousin – avaient parfaitement signalé le rassemblement avec des panneaux à toutes les entrées de Bugeat et dans la ville. L’un d’eux était situé 300 m en amont du lieu de l’incident.
  • Il y a des conducteurs inconscients, même quand ce sont de soi-disant professionnels et il faut donc en tenir compte dans l’encadrement des groupes de jeunes. À noter que la société « D », propriétaire du camion, possède plus de 12 000 collaborateurs dans le monde et se vante d’avoir 200 instructeurs et moniteurs. Cependant, certains de ses chauffeurs semblent encore ignorer qu’il est interdit de doubler un cycliste en ville à moins de 1 m (Art. R. 414-4 I et IV du Code de la route).
  • La maniabilité est essentielle pour la sécurité de nos jeunes cyclistes car elle contribue très efficacement à leur sécurité dans des situations critiques. Dans l’exemple qui vient d’être décrit, cette maîtrise de la trajectoire du vélo a très probablement permis d’éviter le pire. À noter que le jeune en question avait obtenu 38 points sur 40 à l’épreuve de maniabilité du critérium national de Madine. Nul ne peut dire ce qui se serait passé avec un jeune moins expérimenté.
  • Certains aménagements routiers sont très dangereux pour les cyclistes. L’exemple présenté est particulièrement démonstratif. Il aurait été très simple et peu cher par rapport à l’investissement du terre-plein et des trottoirs de faire une piste cyclable de 40 m de long à l’intérieur du virage.

Pour que cet article puisse modestement contribuer à limiter la construction d’aménagements faisant courir des risques aux cyclistes et à corriger les aménagements déjà construits, je lance un nouvel appel en faveur des cyclotouristes :
Messieurs les maires et ingénieurs de la voirie, lorsque vous faites de nouveaux aménagements routiers, « Pensez à nos enfants cyclistes ».

pdfJournal « Sécurité » – Rétrécissements, danger ! 01
pdfJournal « Sécurité » – Rétrécissements, danger ! 02
pdfJournal « Sécurité » – Rétrécissements, danger ! 03

Texte : Daniel Jousselin, moniteur fédéral Fédération française de cyclotourisme,
Responsable Challenges – Jeunes au CODEP 94

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